Le
mouvement Shin hanga (Estampe nouvelle)
1910-1960 : un nouvel âge d'or de l'estampe japonaise.
Le mouvement Shin hanga qui séduit amateurs et collectionneurs
du Japon, des USA et des pays d'Europe du Nord depuis bientôt
un siècle. Issu de l'association passionnée des meilleurs
dessinateurs et éditeurs d'estampes du XXe siècle,
il incarne le balancement du Japon entre tradition et modernité.
La période 1760-1810 est qualifiée " d'âge
d'or de l'estampe japonaise " avec Utamaro et Sharaku, artistes
phare de l'Ukiyo-e (Image du monde flottant). La première moitié
du XIXe siècle révèle les talents d'Hiroshige et
d'Hokusai. Mais après l'ouverture économique du Japon
en 1853, avec la modernisation frénétique du pays à
partir des années 1870, les Japonais n'ont d'yeux que pour ce
qui vient d'Occident. Avec la photographie pour concurrente, l'estampe
perd alors son statut de medium privilégié.
Renaissance
de l'estampe japonaise
Vers
1905, un marchand d'estampes âgé de 20 ans, Shozaburo
Watanabe, fait un état des lieux. Les collectionneurs se
trouvent majoritairement en Europe et aux USA. Le Japon, jugé
exotique et conservatoire de traditions, fait rêver l'Occident.
Sous ses yeux, des artistes dessinateurs d'estampes gâchent
leur talent à illustrer les journaux ou peindre sur porcelaine.
Il pense alors qu'il est temps d'initier la création de
nouvelles estampes dessinées selon ce que désirent
contempler les collectionneurs : une vision romantique du Japon qui
a cessé d'exister à la fin de la période Edo
en 1868.
Watanabe retrouve alors le papier, le bois et les hommes, ces
artisans qui maitrisent la gravure et l'impression. Il nommera ces
estampes Shin hanga (Estampe nouvelle) à partir de 1921,
afin de mettre l'accent sur le renouvellement du style.
L'estampe
Shin hanga avec la touche Watanabe
De 1905 à 1942, il recrute artistes et artisans et les
fait travailler selon sa ligne artistique. 2000 estampes seront
produites pendant cette période.
Sa ligne propose un aller et retour entre tradition et modernité.
Les estampes sont composées avec les techniques de représentation
de l'art occidental. Néanmoins l'esprit japonais n'est jamais
trahi. Les thèmes de l'Ukiyo-e revivent. La nature et les
lieux célèbres sont toujours magnifiés (paysages
sous la neige, cerisiers en fleurs, temples au clair de lune
).
Le portrait de femme est encore plus sensuel, les représentations
de fleurs et d'animaux éclatent de naturalisme.
Des
peintures de lumière
Les
effets de lumière du Shin hanga sont inédits dans l'art
japonais. Comme dans la peinture classique européenne,
les paysages baignent dans une lumière solaire ou lunaire colorant
l'atmosphère, créant ombres et reflets. Le soleil
scintillant sur la neige, le halo froid de la lune, l'horizon
gris-bleu haché par l'averse sont restitués par la virtuosité
des artisans imprimeurs. Les graveurs sont mis à l'épreuve
par un dessin très dense, enrichi de mille détails.
De plus, le naturalisme des couleurs exige la gravure de 25
à 30 planches de bois par estampe au lieu d'une dizaine
pour l'Ukiyo-e.
Watanabe embauchera à la fois des artistes étrangers
séjournant au Japon et des peintres locaux qu'il convertit
à l'estampe. Shiro Kasamatsu, Goyo Hashiguchi, Ito Shinshui,
Hiroshi Yoshida, Hiroaki Takahashi, Shoson Ohara sont parmi ceux-ci.
Hasui Kawase, maître absolu du Shin hanga, travaillera
50 ans pour lui. Il recevra en 1956 le titre de Trésor National
Vivant.
Pour Watanabe, le pari sera vite gagné. Les collectionneurs
se battent pour acquérir ses estampes. D'autres éditeurs
se lancent à sa suite pour produire les artistes qu'il a découverts.
La maison d'édition Watanabe a traversé le XXe siècle,
survivant au tremblement de terre de 1923 qui détruisit
Tokyo à 70 %, à la guerre et au décès
de son fondateur en 1962. Elle est dirigée actuellement par
son petit-fils, Shoichiro Watanabe. Sous son contrôle
sont réalisées les estampes en vente sur ce site.
Bettina Vannier
www.artmemo.fr